Texte de présentation des toiles de SAINT-MAUR (période 1946-1952)
Vernissage au prieuré de MAYANNE le 23 juillet 2006
Rapatrié sanitaire depuis l’Extrême Orient, où son atelier avait été saccagé par les forces japonaises, Saint-Maur retrouve Paris et le fruit de son travail anéanti, cette fois par l’armée d’occupation allemande. Alors que des chantiers de reconstruction sont à entreprendre tous azimuts, les peintres ne sont pas en reste. Il faut reconstruire sur les ruines de l’égarement, de la discorde, de la haine. Saint-Maur, fondateur et toujours président de l’Association de l’Art Mural, relance logiquement son mouvement. Son 4ème Salon, en 1949, au Palais des Papes en Avignon (après ceux de 35, 36 et 38), sera malheureusement le dernier. Il aura laissé beaucoup d’argent et d’énergie dans cette entreprise vouée à donner des murs à décorer aux artistes, partant, des œuvres à voir et à vivre pour les citoyens. N’ayant pas réussi, au-delà d’un beau succès d’estime de ses Salons de l’Art Mural, tant par la qualité des réalisations présentées, que par la notoriété de ses parrains, à sensibiliser les promoteurs à la nécessité d’introduire l’esthétique dans la cité, il passera le flambeau. Grâce à son amitié avec André Malraux, il réussira à faire passer la Loi du 1% en faveur des artistes. 1% du budget de construction de tout bâtiment public est, aujourd’hui encore, alloué à la réalisation d’une œuvre d’art.
1946, son atelier dévasté, Saint-Maur doit repartir à zéro, comme toujours il est dynamique et exigeant, il s’impose des contraintes, ne jamais refaire le même tableau, aller de l’avant. La grisaille, il va l’éclabousser de couleurs, non pas dans un futur publicitaire immédiat, mais pour créer du sens. La parole, par les intonations et la musicalité des mots s’infléchit ou s’enhardit selon les fluctuations de la pensée. L’idéogramme chinois qui désigne l’homme est une silhouette en marche. L’emploi des tons chauds ou froids procure des sentiments différents. Les sons, les formes, les couleurs ont en nous des résonances, ont des symboliques spécifiques. L’alphabet pictural et sculptural de Saint-Maur est nourri de ces évidences, de ces équivalences naturelles. Son vocabulaire est profondément organique. Tout comme l’organisation du système vivant, la construction du tableau est rigoureuse et les proportions respectent le nombre d’or. Saint-Maur développe une écriture personnelle en cherchant la quintessence, la constante de Planck du système vivant, commune à toutes les manifestations de l’homme. Comme un chimiste allant au cœur de l’atome, un alchimiste qui transmute, liquéfie, sublime, il traque les constantes qui nous gouvernent, organise sa toile selon les trois états de l’âme humaine, la méditation, la sensation, l’action. La mythologie, la mort, la science, l’amour, s’interpénètrent dans sa peinture.
Petit à petit il réorganise sa palette, visant à donner au rapport forme-couleur une légitimité qui deviendra de plus en plus présente dans ses toiles :
Les bleus, les verts, statiques, sont dans le plan, en lignes droites, dans une rigueur confucéenne.
Les rouges, roses, violets, tout en courbures, sensibilité, sensualité, souplesse de Lao-Tseu.
Les jaunes, les oranges, énergiques, en lignes brisées d'éclairs, d’étincelles.
Cette vérité des formes et des couleurs, développée par Saint-Maur, est tout sauf intellectuelle ou égocentrique, elle est bien plutôt humaniste et universelle. « L’apparente rigueur du discours est tempérée par la vivante souplesse avec laquelle il traite sa discipline » : ceci pour reprendre Léon Degand, dans la plaquette de l’exposition personnelle de Saint-Maur à la galerie Roux-Hentschel à Paris en mai 1947.
Riche de son immersion dans l’univers hindou, annamite, chinois, où la culture artistique est un moyen, jamais une fin, Saint-Maur pense la toile comme un lieu de passage, un espace de dialogue, l’artiste un conteur, un griot, un passeur. Or Saint-Maur conçoit le passeur, vivant sur son bateau. Regrettant ses ateliers d’avant-guerre sur des péniches, son atelier de laque à Hanoï, sur la digue de Yen Phu, il renflouera près d'Amsterdam un chasseur de sous-marins, qu’il nommera le Tao, illustrant cette adéquation entre son lieu de vie et son œuvre.
Durant ces quelques années, de son retour en 1946 jusqu’à 1950, Saint-Maur aura été très actif et sa production foisonnante. Cette exposition, modestement, en est une sorte de rétroprojecteur. En effet certaines des toiles présentées ici n’ont pas été exposées depuis. Ce n’est pas sans émotion que nous vous les proposons ici sur les parois médiévales d'une salle aux proportions elles-mêmes respectueuses des lois mathématiques et mystiques, qui font le patrimoine de l’humanité et la source des grandes œuvres.
Yann Guyot, fils de l’artiste
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Le Rivage des Syrtes ou l’hommage à Julien Gracq (huile sur toile – 1951)
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Laure noire et théorie colorée (huile sur toile – 1947) ______________________________________________________________________
Le mythe (huile sur toile – 1948)
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Les monstres (huile sur toile – 1947)
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Guittou à la lampe (huile sur toile – 1948)
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N.C.V. (huile sur toile – 1947)
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Erotique (huile sur toile – 1947)
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La chute (huile sur toile – 1950)
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Toupie bleue (huile sur toile – 1947)
(Cette toile a été reproduite pour l’affiche de l’exposition de Mayanne)
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toutes photographies : c) Yann GUYOT (dr)