Animateur et Créateur
Homme de foi dans l’art et dans sa vocation, homme de courage affrontant difficultés ou écueils qui ne lui ont pas manqué, homme de communication soucieux d’approfondir les relations humaines, les moyens de transmission, les possibilités d’expression, tel m’est apparu Saint-Maur. Un passionné avide d’efforts désintéressés, un rêveur généreux, un infatigable chercheur que ni les multiples périples de son existence, ni l’indifférence générale à la cause artistique, ni l’usure des ans n’étaient parvenus à vaincre. Rien jamais ne le détourna de ce message qu’il voulait faire passer à travers son action ou son œuvre puisque pour lui, tout était lié de manière indissoluble.
Le Son (étude) peinture murale d'extérieur (1938)
Déjà dans les années où je le connus, il avait misé sur l’espérance alors que se précisait à l’horizon les maléfiques menaces du nazisme. Ce salon de « L’Art Mural » qui lui devait tout et auquel il avait consacré tant de dévouement au cours de ses présentations successives à Paris (en juin 1935, 64 bis rue de La Boétie ; en avril 1936, 12 rue de Navarin ; en juin 1938, place de l’Opéra dans les locaux de l’Echo de Paris) avait eu de considérables et bénéfiques répercussions. Non seulement il avait réveillé et stimulé la confiance parmi les nouvelles générations, mais aussi suscité l’intérêt des pouvoirs publics. L’éclatante démonstration réunissant ainés célèbres et jeunes inconnus avait en effet conduit l’Etat, à l’investigation même de Saint-Maur, à promulguer bientôt la loi du 1%, à réserver une place à l’art monumental lors de l’exposition universelle de 1937 et surtout à permettre à Huysmans de lancer son programme de commandes murales en faveur de la jeunesse dont les premières réalisations seront exposées en mars 1938 à l’Ecole des Beaux-Arts. Les problèmes posés sont également l’objet de discussion au sein de l’A.E.A.R. (Association des Artistes et Ecrivains Révolutionnaires) qui regroupe de nombreux représentants des générations récentes. Moi-même, j’applaudis à ce bilan imposant dans les colonnes de « Marianne ». Cependant notre ami, sans songer à tirer profit de ces beaux résultats, s’est évadé vers l’Extrême Orient où la guerre le retiendra longtemps.
peinture murale SAINT-MAUR (37-38)
A son retour nous nous revoyons à partir de 1947 lorsqu’il participe durant quelques temps au Salon de Mai. C’est un être assagi, mais toujours enthousiaste, surtout enrichi, par son expérience, ses contacts humains, les véritables échanges opérés à Hanoï et dont il fait une splendide démonstration dans son exposition de 1949 au Musée Cernuschi où abondent les laques et calligraphies. Il a acquis là-bas une somme de connaissances techniques qu’il entend, comme d’habitude répandre et partager entre tous.
Une brèche était ouverte par laquelle l’Art descendait dans la rue.
Mes fonctions m’ayant éloigné à l’étranger durant seize ans, je ne le trouve donc ensuite que tardivement, plein d’allant et de projets ainsi qu’aux plus beaux jours d’autrefois. Deux préoccupations majeures se sont développées et l’accaparent presque exclusivement : la sculpture d’une part, la recherche et l’utilisation de nouveaux matériaux d’autre part. Il ira jusqu’aux Etats-Unis et au Mexique présenter ses multiples inventions, persuadé qu’elles y recevraient un meilleur accueil … mais il se heurtera à l’inertie des idées reçues, qui, dans ce domaine comme tant d’autres …
Craquelé (collection particulière)
Ce que je retiendrai surtout dans cette période, hélas ultime, c’est le degré atteint dans son désir de dépouillement et de symbolisme des formes. Hanté depuis longtemps par le sens secret du signe, la vertu de la pureté, mais soucieux de respecter le brutal jaillissement de l’intuition, il a extrait du polyester coloré dans la masse de subtils effets lui servant à irradier au mieux les volumes élémentaires, simplifiés avec rudesse et souvent percés de mystérieuses ouvertures dont il jouait avec une indéniable maîtrise, comme en témoigne encore éloquemment son dernier œuvre.
Gaston Diehl
Juin 1980