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SAINT-MAUR et le dessin à l’épreuve de l’Extrême–Orient.

En cette fin des années 30’ la vie est rude pour tout le monde et pour Saint-Maur en particulier.
Le gouvernement du Front Populaire en France et le Front Républicain espagnol ont vécu, les grandes aspirations ont été rebattues. L'énergie investie par Saint-Maur en faveur de l’Art Mural pour la promotion de l’art à grande échelle n’a pas rencontré l’écho espéré auprès des institutions.
En 1938 il perd sa femme brutalement. Il laisse ses deux filles aux soins de ses parents à Châteaumeillant dans le Berry et part en Asie, le cœur serré, les batteries à plat.

Malheureusement les troubles de l’histoire agitent également cette partie du monde.
Dans cette survie (survivance) annamite, l’artiste, dont le dessin alors est sombre, retrouve à Pondichéri puis à Hanoï le calme, par le classique exercice du dessin d’après modèle. Son trait s’apaise avec fluidité et retenue, il se taoïse. Comme il le dit lui-même : « le dessin chinois étant métaphysique, il suffit à exprimer tous les états d’âme avec un seul trait, ce qui est le summum en art graphique. Ceci  devint ma loi ».  

Le cœur et le phallus. Un des signes de Sam au Tonkin


Inoubliable Yen-Phu................
…………Il s'agit d'un peuple de graphistes vivant sous un ciel gris. Dessiner comme les chinois? Il n'en est pas question. Je dessinais donc beaucoup, mais plutôt comme Dürer, comme Ingres, comme Poussin et j'arrivai personnellement à une ligne continue mélodique recouvrant une structure théorique très stricte.
Vivotant dans un circuit fermé par l'armée japonaise débordante, j'éditai quelques poèmes graphiques :
- OPÉRA………………...... " Sur la scène de l'esprit mon cœur enfante, déguise et sacrifie les personnages que voici."
- ÉTUDES GRISES ……… " Souvenirs de cinq ans de Tonkin, mes études de Nuane et Kâ ".
- L'ANGE MORT
Mes amies, mes douleurs et mes modèles défilaient à chaque page ; apportant tendresse, drame et beauté.

Extrait du journal de Saint-Maur intitulé « Journal de Bord et Art Vénusien »  (1968-1970)


Opéra
(album de dessins sur papier Annam - Hanoï  1942)

Justification                                 Aquarelle pour Opéra


Portraits de Mesdames Andréani et Formé-Bécherat (indiqués Loge A et Loge B dans l’ouvrage)


Le masque (autoportrait - lithographie n°11)


L’insaisissable (lithographie n°12)

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Études Grises
(album de dessins sur papier Annam - Hanoï 1944)

Couverture et justification


Kâ (dessin n°1)

Nuane (dessin n°3)


Nuane (dessin n°6)

Kâ était une tonkinoise d'environ 40 ans, les cheveux jusqu'aux genoux, un sourire laqué noir et un œil clos à jamais. Elle vivait avec notre hôte depuis des années. C'est ainsi qu'elle passa à notre service. Elle comprenait notre langue et devint l'intermédiaire indispensable entre nous et ceux dont nous avions besoin pour subsister en pays occupé par l'envahisseur. Plus tard, elle nous procura le personnel indispensable pour notre laquerie et géra notre affaire. Nous n'avions jamais rencontré une personne ayant autant de vertus. Dans cette débâcle nous arrivions à vivre en circuit fermé. J'adoptai un jour une toute petite orpheline et Kâ se chargea d'elle complètement. C'est ainsi en dépit de ces circonstances, que nous arrivâmes à recevoir pour le thé sur notre pelouse au bord du lac, la gentry française à laquelle Kâ en petit tablier offrait des rafraîchissements. Ce mépris complet à l'égard de la troupe d'occupation fut brusquement interrompu par un nouvel envahisseur. Déferlant en troupeaux, leurs arcs et flèches sur la tête, les montagnards descendaient vers la ville à la recherche du riz. La misère s'installa brusquement. Sans hostilité ces pauvres gens mouraient de faim accroupis devant nos portes. Nous dûmes nous séparer et je léguai à Kâ tout ce que j'avais. J'appris plus tard qu'elle fut la première victime tuée par l'armée de libération française tant elle mit de hâte pour l'acclamer.

Extrait du journal de Saint-Maur intitulé « Journal de Bord et Art Vénusien » (1968-1970)


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L’ange mort  
(poème graphique sur papier Annam - Hanoï 1945)
Couverture et justification

épigraphe


(dessin n°2)

(dessin n°4)


(dessin n°5)


Yen Phu, 23 mars 1945 

Départ de ma rue d’ennui, la nuit –
Adieu à Kâ – « Tu es un oiseau » me dit-elle.

Extrait du journal de Saint-Maur intitulé Ombres Sacrées (en grande partie détruit pour éviter les représailles de l’occupant japonais).