ÉDOUARD LÉVÊQUE et SAINT-MAUR.
Récit écrit par
Michel Lévêque
Enfant sage, entouré de femmes dans
l'atelier de couture maternel, Édouard Lévêque confectionnait des marionnettes
habillées dans les chutes de tissu et leur faisait jouer les histoires qu'il
inventait.
Plus tard, il peint ou dessine les
portraits des proches du cercle familial, épouse, enfants, grands-parents,
quelques paysans, Aurore Sand, fille de George, vieille amie vivant alors à La
Châtre, les paysages de la campagne : les bois et les champs.
Des acteurs célèbres (Fernandel, Simenon,
Erich Von Stroheim, Pierre Blanchard) acceptèrent de lui dédicacer les grands
dessins qu'il fit d'eux.
Édouard Lévêque, maîtrise toutes les
techniques du dessin : mine de plomb rehaussée au crayon de couleur, pierre
noire, sanguine, pastel, lavis d'encre de Chine ou de terre de Cassel.
Talent brut, il produit des milliers de
dessins et peintures marqués de son regard attentif et généreux. Il est en
quête d'une perfection élégante d'artisan. Cependant, lorsqu'il tente de
styliser, de forcer le trait, il peut oublier ses qualités de finesse.
À vingt ans, Édouard Lévêque, dandy de
sous-préfecture en costume élégant taillé dans une étoffe anglaise, coiffé d'un
feutre assorti à ses guêtres gris-souris m'évoque ces musiciens de jazz
célèbres déambulant à New-York, sur la 5ème avenue.
La comparaison s'arrête là, car son teint
mat, ses yeux bleu-foncé orientés en oblique vers le haut, ses cheveux noirs
aile-de-corbeau légèrement ondulés l'apparentent à un Tzigane plutôt qu'à un
black.
Les lieux qu'il fréquente sont ceux où
s'affichent les élégances de province: les Courses Hippiques de Châteauroux et
les Courses Automobiles de la Côte d'Ars à La Châtre.
Sous le pseudonyme de Léo de Vadequeur,
anagramme de son nom, il rime dans l'esprit de Lautréamont et de Pierre Louÿs,
poètes sulfureux de l'époque.
Déjà, il a posé les jalons de sa
trajectoire : arts plastiques, écriture, poésie, scénographie, décors,
direction et jeu d'acteurs.
Dans une fête rassemblant la jeunesse
locale, une jeune vierge va l'éblouir par son exotisme typique du monde rural
dont il ignore tout.
Et, le 18 avril 1933, Édouard Lévêque, fils
d'un clerc de notaire et d'une couturière appréciée des élégantes de La Châtre
prend pour épouse Marie (rebaptisée Mary) Alabergère, fille d'un agriculteur et
éleveur modeste du Boischaut. Il a vingt deux ans.
Deux enfants, Michel, puis sa sœur Claude,
couronneront, l'année suivante, comme il se dit, leur union.
Édouard Lévêque dans son atelier. 1935.
(Photo de Roger Allorent)
La Littérature, la Musique, la Danse, l'Art
Dramatique, le Cinéma, la Photographie, l'Architecture, le Mobilier se
mélangent aux grands mouvements des Arts dont ils se nourrissent et qui les
fécondent.
De toutes provenances: d'Europe, d'Amérique
et d'Asie convergent à Paris les artistes fondateurs d'une véritable révolution
culturelle.
Les Arts africain et océanien inspirent un
grand nombre d'artistes.
Des noms en «isme» désignent les manifestes
et les mouvements.
Récemment découvert, le jazz va séduire,
langage universel, toutes les générations et atteint tous les milieux.
Les vingt ans d'Édouard Lévêque sont
contemporains de l'éclosion de l'Art Moderne.
Mais, de ces effervescences, il ne parvient
que peu à La Châtre.
Bien que le Collège de la ville assumât sa
mission républicaine de brassage social, de mixité, et de laïcité jusque dans
la cour de récréation, ceux qui pratiquaient l'équitation et le tennis ne se
mélangeaient pas, hors de ce cadre, à ceux qui ne jouaient qu'au foot ou au
vélo.
Il y avait ceux que leurs parents
emmenaient à Paris, pour aller au théâtre et au concert, ou visiter les
expositions et les monuments,
Et il y avait ceux qui n'allaient qu'à
Châteauroux.
Comment ceux-ci auraient-ils pu découvrir
la révolution des arts qui explosait tous les codes, là-haut, dans la capitale?
Édouard Lévêque. Autoportrait. 1935.
Édouard Lévêque, se passionne néanmoins
pour la modernité dont il fait le cadre de sa vie quotidienne: mobilier en
acajou aux lignes nettes, tissus d'ameublement en velours style Art Déco, et
objets caractéristiques des années 30.
Une lampe en pâte de verre couleur citron,
veinée d'orange signée Gallé diffuse une douce lumière près d'un paravent
pliant tendu de soie plissée jaune soufre.
Son atelier de peintre avait investi le
salon, pièce sombre, dont l'unique fenêtre ouvrait à l'est. De ce temps de mes six
ans, j'ai conservé la mémoire très précise des lieux et du parfum prégnant de
la peinture à l'huile de lin mêlée d'essence de térébenthine.
Cependant, le lien ne semble pas établi
entre la modernité du cadre de vie et la pratique de celui qui se regarde,
narcissique, jouer le personnage du peintre dans son atelier.
É. Lévêque. «Gué Poisson». 1940. 40 x 90
(Collection O et P.Pirot)
Dès 1935 «La Compagnie Dramatique Comoedia»
rassembla un groupe hétérogène de citoyens de La
Châtre, de fonctionnaires et d'artisans, d’enseignants et de commerçants.
Certains soirs, le groupe, bruissant d'une tornade folle de réunions, de
répétitions, envahissait notre maison de la cave au grenier dont le plancher
conserva longtemps, fantômes, les traces peintes débordées des décors de scène
et praticables. L'odeur putride de colle Totin à base de peau de lapin
imprégnait le lieu.
Au Théâtre Municipal de La Châtre, la
troupe était pour ainsi dire en résidence, préparant un répertoire éclectique
allant du classique au cabaret. Seul, le mercredi était concédé aux séances de
cinéma et aux tournées Baret pour quelques dates.
De nouveaux artistes arrivaient, craignant
pour leur liberté, fuyant Paris et le danger induit par la pression d'une
xénophobie d’État, présumée moins organisée et efficace en province.
«C’était le dur de la guerre, dit Édouard
Lévêque, quand on circulait en camions à bestiaux…» Il décrit ainsi sa troupe:
«Blanchette, noir philippin chanteur de jazz, Coco, pianiste juive, Dogana,
tyrolienne et son mari en instance de déportation, les sœurs Debar,
femmes-serpent hindoues, une jeune chanteuse et un ténor bien peu parisiens, un
adolescent tzigane virtuose du violon, des clowns maquisards et des maîtres
sonneurs berrichons.»
Ils portaient alors, dans les villages,
deux ou trois fois la semaine, au bénéfice du «Colis du Prisonnier de Guerre», œuvre
caritative, les spectacles nomades de «Paris-Berry», troupe multicolore et
déjantée digne d’un film d’Émir Kusturika.
Le camion à bestiaux.
À l’entracte du spectacle, Édouard Lévêque
assure la liaison entre la partie Paris et la partie Berry, par une prestation
à multiples visages : comique troupier, fantaisiste marseillais ou parisien, un
berrichon diseur des écrits de Jacques Martel et de Gabriel Nigond. Le
personnage de Jean-Louis Boncœur, naissant alors, finit par se prendre au jeu
d'écrire et de jouer ses propres textes.
Je le cite: «Après le Théâtre d’équipe,
j’ai cherché à recréer ce qui me manquait, en m’inventant des personnages
multiples.
Je ne soliloque pas, mais je dialogue avec
des personnages qui sont tout de même moi… et je leur donne la réplique».
En juin 1940 la progression des forces
allemandes, ne rencontrant plus d'opposition, jette sur les routes des millions
de civils Français et de soldats en déroute. Venus du nord, de Paris, ils ont
traversé la Loire, harcelés par les avions mitrailleurs. Des blessés s'ajoutent
à leurs blessés et les morts sont abandonnés dans les fossés.
«L’Exode».1940.
Peinture à l'huile sur toile. 122.5 x 275.5 cm
« L’exode » :
pour la première fois Édouard Lévêque peint un grand format représentant la
débâcle dont il a été témoin, route de Guéret, à La Châtre. L'harmonie des
couleurs hiérarchise le décor.
L'or du ciel sacralise la scène à l'instar
des peintures primitives du Trecento Italien, des icônes et des mosaïques
byzantines.
D'une part, La Châtre, petite ville
assoupie sous un arc-en-ciel peint dans les tons tendres du printemps
finissant.
D'autre part, le premier plan en tons
sombres, tragiques et violents, procession d'êtres harassés, blessés exprime
«toute la misère du monde». À gauche et à droite, on note la présence de
soldats venus des lointaines contrées de l'Empire Colonial. Ils fuient, mais
pas plus que les autres. Pour la première fois, dans cette peinture, l'artiste
réunit ses trois savoir-faire préférés : conter une histoire, la mettre en
scène comme un plan de cinéma et la représenter.
Différente de sa production courante, cette
œuvre trouva sa place, sans paraître incongrue, au mur de notre salle à manger.
Entre «l'avant» et «l'après», des liens persistaient: la gamme de couleurs
n'était pas différente de celle des paysages berrichons qu'il peignait. Ce qui
avait changé, c'était l'organisation du tableau tramée par une série de
cercles. Ça, c'était nouveau et c'est plus tard, qu'étudiant en art, j'ai pu
relier la parenté purement formelle existant entre des œuvres d'Édouard Lévêque
et celles de Sonia Delaunay mêlées d'un zeste d'André Lhote.
SAINT-MAUR (1)
La Mort des Sens, Saint-Maur, 1937.
Un tirage
photographique jauni par la lumière resta sur un guéridon dans l'atelier et
durant des années, imprima son interrogation sur ma mémoire d'enfant. «La Mort
des Sens» peinte par Saint-Maur en 1937 précède le «Guernica» de Picasso et ne
lui doit rien.
Le nom de Samuel Guyot, dit Saint-Maur,
nous était connu. Sans doute joua-t-il le rôle de passeur de connaissances pour
mon père.
Nous avions entendu dire qu'il menait sa
vie d'artiste à Paris dans une péniche-atelier. Ses amis étaient Picasso et
d'autres dont le nom ne nous disait rien, mais nous savions que notre
institutrice donnait ce nom à nos dessins sans queue ni tête.
Les deux filles de Saint-Maur, après la
mort de leur mère Fernande avaient été confiées à leurs grands-parents, le
Docteur Léon Guyot et sa femme Émilienne, à Châteaumeillant.
Laure, dite Marinette et Geneviève, dite
Guitou nous rejoignaient, ma sœur Claude et moi à la ferme de Beaulieu pour des
vacances de sauvageons.
Nos grands-parents qui l'exploitaient et
ceux de Laure et Guitou étaient amis et quand Laure, eut l'âge d'aller au
Collège, elle habita un an ou deux chez nous à La Châtre.
Elle était mon amie d'enfance préférée, ce
qui compte beaucoup, lorsqu'on n'a vécu que si peu d'années. Puis les
mouvements de la vie nous séparèrent. Une fois, je la revis, belle adolescente
qui regardait de haut les enfants que nous étions encore.
Mais ceci, dirait Kipling, dit une autre
histoire.
LAURE
Laure Guyot, dite
Marinette et Michel Lévêque. Beaulieu, été 1939.
Si les mouvements de la vie séparent, ils
croisent parfois en boucle leur point de départ.
À la fin de 1996, pouvais-je imaginer que
le souvenir raconté d'un Noël 1939, publié dans le Berry-Républicain, s'envole
à 9000 kilomètres et reçoive une réponse de deux pages ? M'ayant identifié
comme l'auteur de l'article, une
lectrice avait adressée la coupure du journal à une amie de Petaluma, Californie,
USA.
Une lettre de deux pages me parvint dans
laquelle Laure, l'amie préférée de mes six ans donnait l'impression de
reprendre une conversation commencée la veille.
Et avec la plus grande complicité, culture
et convictions ont refait le lien.
En Californie, nous avons mis nos pas dans
ceux de Jack Kerouac et sommes allés dans les mêmes bistrots que lui, à
Sebastopol.
Située à flanc de colline boisée, sur le
barrage d'un petit lac, la maison de Laure, orientée au midi, diffusait
généreusement la lumière sur les œuvres de son mari, le peintre américain Jesse
Reichek.
Quelques peintures de Saint-Maur et des
sculptures en Polybéton complétaient ma découverte de son œuvre, limitée
jusqu'alors, à la photographie de «La Mort des Sens».
Avec Laure, nous avons reparlé de cela et
elle accepta de m'aider.
Page 1
Je n’ai vraiment connu mon père, St-Maur,
qu’après son retour d’Indochine en 1946. Ayant été élevée par mes grands
parents à Châteaumeillant depuis l’âge de 11 jours, ceux que j’appelais Papa et
Maman étaient mes grands parents. J’ai su plus tard que j’avais eu une mère et
un père naturels mais cela ne m’a jamais dérangé ni posé de problèmes :
ceux qui m’aimaient, m’avaient désirée étaient ceux avec lesquels je vivais et
qu’il était naturel que j’appelle Papa et Maman. Mon père naturel courait la
Terre et ses dangers après la mort de ma vraie mère, une canadienne à demi
Indienne, en 1936. Mon père St-Maur est venu plusieurs fois à Châteaumeillant
avec ses amis après la mort de ma mère et s’est même installé pour peindre dans
une grange, près de la maison de Monsieur Sotton. Je me souviens d’y être allée
et d’avoir été impressionnée par une chouette apprivoisée.
En 1938 St-Maur est allé en Inde, à
Pondichéry, pour rendre visite à Monsieur Bonvin, gouverneur de cette colonie. De
là il a été envoyé en Indochine comme soldat. Il y est resté jusqu’en 1946. Je l’ai
vu descendre à la gare de Châteaumeillant, très brun, très maigre, avec un seul
sac.
Par mes grands parents je connaissais
déjà l’histoire St-Maur, la fondation de l’Art Mural, ses voyages, ses pensées,
sa formation. Je savais pourquoi il n’avait jamais vécu dans une maison, sa
passion pour la mer, les bateaux. Je comprenais, je crois.
Revenu en France juste après la mort de
son père, il a essayé de se « remettre en place » en peignant dans
une cabane dans la forêt de Beddes. Ce qu’il pensait alors je ne le sais pas
car j’avais quinze ans et mes propres tracas mais je savais qu’il n’était pas
heureux à Châteaumeillant.
Page 2
En 1947 St-Maur m’avait trouvé une
pension à Fontenay pour que j’y puisse continuer mes études secondaires et
obtenir mon bachot. St-Maur à cette époque était souvent en Hollande cherchant
un bateau qui puisse lui servir d’atelier-habitation. Le TAO, un chasseur de
sous-marin avait été coulé par les Allemands au large des côtes hollandaises.
St-Maur l’acheta pour peu, le fit renflouer et aménager en atelier et puis
amarrer près du pont de l’Alma. St-Maur, n’ayant aucun sens de la propriété, le
prêta à des amis cinéastes qui le coulèrent dans le Rhône. Son deuxième bateau
fut une énorme péniche vide qu’il aménagea peu à peu. Elle était (et est
encore) amarrée près de la Machine de Bougival dans un bras mort de la Seine.
Ayant beaucoup d’espace, c’est là qu’il développa ses sculptures Polybéton.
Malheureusement la production de ce matériau est très toxique. St-Maur qui
avait survécu au typhus, au paludisme et autres maladies tropicales, et avait
plutôt une santé de fer, aboutit à l’hôpital pour la première fois de sa vie.
Il était têtu, avait des projets, était fier d’être humain.
Quinze ans après, une crise de paludisme
virulente, insurmontable – et je pense inacceptable pour St-Maur, l’arrêta.
Il me reste le souvenir d’un homme
intelligent, vaillant, généreux, pétillant de vie. Je suis heureuse de l’avoir
connu.
Michel, voilà ce que j’ai pondu en vitesse.
Fais-en ce que tu veux ou peux. L R
SAINT-MAUR (2)
« Je
commence ma carrière de peintre au lycée, en Berry comme impressionniste avec
mon maître Raoul Adam, qui me fit découvrir la nature par mes yeux et mes yeux
seulement.
Je m'installe à Paris à vingt ans à bord d'une péniche
et je peins des natures mortes dans une technique que je qualifierais
d'expressionniste.
Me lançant dans de très grandes compositions je
ressentis le besoin de m'appuyer sur une architecture secrète. C'est alors que
je découvris que tous les grands maîtres l'avaient fait avant moi. Les belles
ruines sont celles des palais dont l'architecture était parfaite.
J'évite l'intellectualisme en peinture et me lance
vers l'art mural que j'exige à deux dimensions.
Je crée d'ailleurs le Salon de l'Art Mural et propose
la loi du 1% pour inciter les architectes à commander des œuvres murales et
monumentales. Malheureusement la plupart des artistes ne surent réaliser ce
genre de travail tant ils étaient habitués à la cuisine de la peinture de
chevalet.
Des Indes où je suis en 1938, la guerre me conduit en
1939 en Indochine où je deviens laqueur. L'étude de l'art chinois et l'étude de
la laque influencèrent ma création. Le dessin chinois étant métaphysique il
suffit à exprimer tous les états d'âme avec un seul trait, ce qui est le summum
en art graphique et qui devint ma loi.
Mon retour en 1946 fut tragique parce que, outre que
j'avais perdu mon père, je n'étais plus attendu. Je me réfugiai donc dans mon
art. J'eus de nouveau soif de grandes toiles et j'exécutais de grandes
peintures à deux dimensions dites de la période géométrie lyrique. J'abordai
l'abstrait lyrique, puis constructiviste qui me conduisit à la sculpture.
Nous sommes en 1949 et ma découverte d'un matériau de
synthèse favorise ce mode d'expression. Je me libère rapidement de la sculpture
ronde-bosse pour aboutir à l'art du vide utilisé mais qui est encore trop
statique. Grâce au dessin chinois j'élaborais une sculpture linéaire qui
suggère le mouvement dit écriture d'espace. J'appréhendais le cosmos à l'aide
de sculptures planes largement perforées, en marche grâce à la structure
interne du dessin. Je n'oublie pas pour autant que je suis un peintre et ma
sculpture est polychrome. J'établis alors mes lois du rapport formes-couleur
afin d'aboutir à la polychromie rationnelle de mes formes. En 1968 je fis ma
série des tombeaux en marche: de petits cercueils munis de pattes et parfois
d'ailes afin d'exprimer cette idée que la mort n'est qu'un passage en marche vers
l'Éternité. Dominant cette idée de la mort surgit la notion du vide.
Le vide c'est aussi la négation de la matière, mais
mon vide n'existe que limité par la matière, c'est une dialectique du plein et
du vide dans laquelle le vide apparaît comme étant l'esprit.
Vivrions-nous dans un monde spirituel dont nous ne
comprenons que l'infiniment petit c'est à dire la matière ? C'est probable.
L'homme est peu doué spirituellement, par contre il
est apte à dominer la matière.
Là est notre aventure terrestre. Et après ? .........
»
Extrait d'une série de textes édités pour présenter
l'exposition de Saint-Maur au Musée Vivenel de Compiègne en 1980, un an après
sa mort
_____________________________________
Quatre Salons de l'Art Mural eurent lieu en 1935, 1936, 1938, 1949.
Eté 1960 : transitant pour quelques jours en Catalogne, entre deux longs séjours en
Algérie organisés par le Ministère de la Guerre, je pus rencontrer le
sculpteur Marcel Gili qui, comme chaque année rejoignait ses ateliers, sur les
hauteurs de Céret.
À l'École des Beaux-Arts de Bourges, je
suivais son enseignement.
Nous avons fait le tour des monuments aux
morts de la région que son maître Aristide Maillol avait réalisés. Leur
particularité, était de représenter de belles femmes plantureuses, beautés
catalanes, taillées dans la pierre blanche, plutôt que des veuves éplorées.
Et nous avons parlé de Saint-Maur qu'il
avait suivi dans l'aventure des Salons de l'Art Mural.
En 2007 j'eus l'opportunité de visiter la péniche
Polybéton, dernière atelier de Saint-Maur, amarrée à Louveciennes, guidé par
Hélène, sa dernière épouse. Elle me confia des publications de l'Art Mural et
le catalogue d'une exposition posthume de Saint-Maur.
Je découvrais là des œuvres qui m'étaient
inconnues, j'en revoyais d'autres que je connaissais par l'image.
Sur la Seine, à Louveciennes. À la poupe de la péniche
Polybéton.
Sculptures de Saint-Maur en Polybéton, dans la péniche
Grâce à Yann Guyot, fils issu d'un deuxième
mariage de Saint-Maur, j'eus accès à des informations précieuses.
ÉDOUARD LÉVÊQUE (suite)
«Les Quatre Saisons de
la Vie» 1940. Huile sur toile. 119 x 195 cm.
«Les Quatre Saisons de la Vie», figurent
l'allégorie des âges, de la naissance à la mort, sur fond de cycle des saisons.
Deux diagonales divisent en quatre la
composition, recoupées par la verticale de l’homme en auto-majesté.
Une suite de cercles construit ce schéma,
relie les formes et répartit la couleur: les tons printaniers acides, passent,
de gauche à droite, par les tons riches d’été, au centre, puis aux rousseurs
d’automne. Blêmes, froids, ceux d’hiver, de mort, à droite, clôturent le cycle.
«Les Chants de Maldoror», d'après un poème
de Lautréamont, grand format, composé en hauteur, a été perdue de vue.
Édouard Lévêque, ne se sentant pas prêt à
tenter de marquer sa place à Paris, dans un combat quotidien, revint à ses
dessins sages qui convenaient à une clientèle acquise.
«Mieux vaut être premier dans son village
que nième à Paris.» fut sa conclusion, oraison funèbre d'une aventure.
Les gagnants étaient, sans partage,
l'écriture et le théâtre nomade, auxquels, dorénavant, il se consacrait
totalement.
Il m'aura fallu presque le temps d'une vie
pour résoudre le mystère Saint-Maur.
En 1967, 1968 et 1969, j'exposai quelques
unes de mes œuvres au Salon des Arts Décoratifs, auquel le Grand Palais prêtait
ses murs et ses espaces. Des rescapés de l'Art Mural y participaient.
J'aurais pu, à ces occasions, rencontrer
Saint-Maur.
DOCUMENTATION
:
Témoignages
de Laure Reichek, née Guyot
Texte
de Samuel Guyot dit Saint-Maur
Témoignage
de Yann Guyot, fils de Saint-Maur
Témoignage
d'Hélène Saint-Maur
CONSULTATION
:
Édition
catalogue critique du Salon de l'Art Mural
Journal
du Musée Vivenel de Compiègne Août/Septembre 1980 de présentation de
l'exposition posthume de Saint-Maur.
MICHEL LÉVÊQUE - FÉVRIER 2015.