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SAINT-MAUR et Sonia BRANGLIDOR


J’ai connu Saint-Maur quand j’avais quinze ans,
           et pour le faire connaître, je vais essayer de dire ce que j’ai ressenti.

Je n’étais pas « cablée » sur l’art, envie de faire des choses avec lui dans ce grand bateau où il était présent aux autres, tellement lui-même aussi (vivant, jeune), donc partager des choses très simples et quotidiennes (parler, boire du punch, jouer …)

Déjà cela m’a appris beaucoup sur l’art :

1.      un artiste n’est pas coupé de la vie
2.     un artiste laisse d’abord vivre, pousser les choses autour de lui, présent, attentif, et dans les choses
3.      tout ce qu’il sentait de force de vie dans quelqu’un, même force
   qu’il sentait dans l’univers, les formes, ce sur quoi il travaillait,
   comme des gens qui passent, dansent, des regards, des gestes,
                          des sourires qui demeurent, qui s’enfuient

·         Il aimait les gens jeunes, les choses qui bougent
·        Il n’était pas patient (il n’aimait pas les gens lents, qui ont du mal à bouger leur cœur, leur corps, leur esprit)
·        Il a toujours eu entre 16 et 20 ans pas nostalgique de sa jeunesse mais il n’avait pas quitté ce moment magnifique et précieux où on n’est jamais sûr, où il n’y a pas d’autre continuité que le désir qu’on a des choses. Le désir a beaucoup porté son art

Artiste au sens où il l’était : se laisser traverser par les choses sans se laisser envahir (pas facile)

Artiste du mouvement : il laissait de grands espaces pour rêver, pour que ce soit possible

Il aimait les gens qui vont jusqu’au bout d’eux-mêmes (seul risque qui vaille la peine d’être pris, alors il pensait qu’il avait quelque chose à apprendre)

Il ne croyait pas aux confidences, aux pleurnicheries, aux regrets ; il croyait qu’il faut faire ce qu’on a envie de faire, et ce n’est pas grave si ça s’accompagne de regrets ou d’échecs

Artiste et Homme de l’avant : il se pensait toujours dans la réalisation de ce qu’il n’arrivait pas à faire et qu’il cherchait infiniment

C’était quelqu’un de vivant, qui vous donnait envie de vivre, de continuer (on repartait avec quelque chose, on ne sait pas quoi). Il vous enlevait l’envie d’être triste, vous donnait envie de commencer de faire des choses (sans donner conseil, ni corriger avec une bonne morale cathéchisante et culturelle). On repartait en ayant appris que les chagrins … s’inscrivent aussi dans l’espace.

Saint-Maur, c’était surtout de l’amour et de la vie - sans quoi il n’y a pas d’art

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Esquisse

Saint-Maur : petit, toujours en état d’ébullition, d’une coquetterie incroyable, jouant de tout à fond, se jouant à fond.
Il faut imaginer un p’tit bonhomme, avec un regard très très aigu, plein de soleil et de passé, qui vous questionne et vous pique comme un plat pimenté, plein de refus aussi, il est toujours resté un jeune homme en colère, toujours expliquant pourquoi, comment, il ne faut pas se gâcher soi-même, sur le fil de lui-même. Il donnait envie de créer, de faire, quoi que ce soit, faire quelque chose de soi-même.
Il faisait toujours des choses (il aimait bien ce mot : « des choses »)            


Saint-Maur, c’est un artiste ailé, heureux de créer, qui ne se serait pas découragé de ce désert contemporain et de cette solitude qui nous prend maintenant quand nous parlons d’art.


                      A Saint-Maur : Bon soir !


Sonia Branglidor


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A celui qui a dansé la forme
Bonjour
A celui qui a laissé dans les bras refermés
De l’amour
La place pour penser ensemble
Bonjour
A celui qui rend perceptible le monde
Aux aveugles définitifs
Bonjour
Et pour la caresse au ventre dur
De la vénus enfin trouvée
Bonjour
A sa ligne vivante courbée
Au dessin infini de l’homme torturé
A son corps qui résiste
A ses yeux trop fragiles
Bonjour

Au sourd décidé de chasser les horreurs
Artiste assassiné par les incompétences
A ses contradictions, ses amours, ses errances
A ses heures du soir où il se sentait bien
A ses impossibles matins
A la pensée qu’il nous exige
A l’énergie, à la masse du temps, à la liberté
Si le vide était son combat
L’homme en était le souvenir
Et la tendresse vive
Des forces modernes
Qui le prolonge à l’infini
A Saint-Maur
Bonjour


Sonia BRANGLIDOR
Paris le 19.9.1983


Ce poème est paru dans les Cahiers de Poësie de Maurice Lestieux
 in n°15 (Hiver 1987 -1988) - Hommage exceptionnel à SAINT-MAUR

             Couverture du n° 15
                Page 2 du Cahier de Poësie n° 15

           Page 3 du Cahier de Poësie n° 15

Page 6 et 7 du Cahier de Poësie n°15
(texte et dessin de Saint-Maur)

              Page 8 et 9 du Cahier de Poësie n°15
              (texte de Sonia Branglidor ; dessin de Saint-Maur)

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Affiche pour une soirée dans l’atelier de SAINT-MAUR avec projection de films
de MÉLIÈS en présence de Madame Madeleine Malthête-Méliès, sa petite fille.
Ceci pour marquer le 80ème anniversaire de la naissance de SAINT-MAUR (1906-1979)