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Eva Klötgen et Saint-Maur

Polybéton

Barre liquide
Pain liquide
Bain d’espace où pourraient se contenir des tours de rêves et d’inconscience

Je vois bercer la cité bakélite sur mon bateau voguant vers nulle autre patrie que celle de l’Un, filer sur le frais miroir de ce ciel astré coiffant l’aplomb d’un voyage illuminé de failles.

Construire un pont

Dissemblable métal
Hors nickel
Un pont bleu
Polychrome à ton B.

Mais où êtes-vous, de temps à autres ?


(Eva Klötgen – 27 juin 2011)

                                                                Inspiration sur Polybéton – Huile 2004

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Le chemin du Bas Prunay sillonne entre les vergers depuis la colline de Louveciennes jusqu’aux berges de la Seine ; de belles propriétés s’égrènent nonchalamment sur son parcours, comme celle de la Comtesse du Barry. Les aristocrates et les impressionnistes y ont mêlé leurs parfums d’eau de toilette et de térébenthine aux senteurs des jardins dans une douce ivresse de fruits suris. A son tour, le peintre Eva Klötgen y a installé famille et atelier. Naturellement elle a traversé la RN13 (la route royale qui relaie Paris à Saint-Germain-en-Laye via Bougival et Rueil-Malmaison) pour monter à bord de la péniche/atelier de Saint-Maur, le « Polybéton ». La présence du peintre, disparu en 1979, imprégnait encore totalement l'espace et la coque.

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Le tableau reproduit ci-dessus, sobrement intitulé « Inspiration sur Polybéton », ainsi que le poème qui l’accompagne, ne procèdent pas du simple hommage, il s’agit plutôt d’une confluence. Comme le dit Eva : « C’est mon univers, en dialogue avec celui de Saint-Maur, de son bateau et de son œuvre ».


Les Disciplines Graphiques (1940-1966) - Saint-Maur


100 dessins au pastel sec « carré Canson » sur papier Japon, séparés par des feuillets calques



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L’avant propos de Saint-Maur, suivi de quelques extraits de ce livre aussi précieux que fragile :


« Voici quelques propositions de résolution graphique de notre univers, quelques signes apportant par leur architecture, leur poésie, leurs combinaisons attendues ou non, une solution autre à la question abstraite par excellence, la question métaphysique.
La tête plus haute que la main qui cependant dessine (assez libre)

La courbe, sensible, céleste
La droite, solide, terrestre
La brisée, anarchique, énergétique


Parfois la main trouve ...

... ce que la tête ignore encore.
Là, nous découvrons ensemble le nouveau venu qui nous ouvrira de nouvelles portes, ou vivra seul sa vie, ou choisira en nous, sa mort.

Ces nouvelles écritures nées en Chine en 1940 sont relatives non pas qu’elles relatent des formes mais sont en relation avec le fond.
Voici la nature dans ses causes et non dans ses effets.

La peur d’être pose le problème de l’éternité, à travers la mort. Cet art est véhicule de passage ; je le voudrais multiplace. Ces signes peuvent être des exercices de préhension de ce qui nous conditionne, soit des cris de défoulement, des mots d’angoisse.
Fais le vide et la mort passe au travers.
L’immortalité règne au cœur du vide en toi. »













































































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Dans une volonté de mise en lumière (et pour une future édition) de ce grand cahier de dessins, j’ai réalisé un petit coffret en carton et papier bistre avec l’avant propos de Saint-Maur et quelques photos de ses dessins.





J’y ai inséré une introduction personnelle que voici :

"Les Disciples Graphiques sont un manifeste pour une reconnaissance sans contrainte du dessin, sans imagerie, loin de tout académisme.


Depuis longtemps dissimulés dans la chair et le cœur de Saint-Maur, nés en Chine, et après avoir bénéficié d’une maturation de 25 ans, ces dessins naquirent d’une fulgurance.


Ce manuscrit, fruit du travail de Saint-Maur sur le trait, où l’urgence du propos est à fleur, l’expression décisive et l’exécution instantanée, est en quelque sorte un incunable,
en ce sens qu’il retrouve et retrace les origines du graphisme, le gué entre le verbe et le trait, via l’idéogramme et l’écriture.

La culture rejoint la nature. Le trait rappelle la trace. Le trait pur, ici s’aventure dans des traces immémoriales. L’équilibre et l’harmonie sont des relais, des reposoirs transhistoriques. Souple et organisé, comme l’arrangement des molécules, le trait s’inscrit et nous raconte…le mouvement des hommes et des âmes.

A la lecture des Disciplines Graphiques, on se sent en présence d’un témoignage rare et dense, servi avec grâce par la main d’un poète constructeur."


Y.GUYOT